La crise est un accélérateur de changement, elle n’est pas révolutionnaire !

Florentin Roche donne son point de vue sur les conséquences de la crise pour le monde du travail …

Comment pensez-vous l’après Covid-19 dans notre relation au travail ?

Cette notion d’« après » me laisse perplexe … Pour faire court, disons que je ne vois pas pourquoi une situation que l’on vit sur un mode extra-ordinaire révolutionnerait notre ordinaire. La crise est un accélérateur de changement, elle n’est pas révolutionnaire !

Quelle différence entre une crise et une révolution ?

La crise révèle des mouvements de fond. Elle rend hyper sensible et permet, pour le meilleur, d’y voir plus clair, d’aiguiser son sens critique — selon le sens étymologique grec, elle correspond à l’action de découper, de séparer, dans une masse d’événements indiscernables. C’est un pic, une perturbation passagère, peut-être très violente et douloureuse. La révolution, quant à elle, transforme le fonctionnement habituel d’une société, sans retour possible en arrière. Elle peut-être douce, lente, et reste inaperçue, tant qu’une crise n’en démontre pas les effets.

Et vous pensez qu’il n’y aura aucune incidence ? Quid du télétravail ?

Distinguons déjà le télétravail du travail à la maison. Le travail à la maison a toujours existé. Le télétravail, quant à lui, est la conséquence de la tertiarisation et de la numérisation de l’économie. Remarquez que son principe est acté. Il est étonnant, cependant ! Mais on ne s’en étonne déjà plus, même si certains sont réticents pour de bonnes et de moins bonnes raisons. Aujourd’hui, on cherche surtout les conditions optimales de son développement, par la force des choses quand télétravail doit rimer avec travail à la maison. Et voici que les citadins rêvent un retour à la campagne, à l’inverse des mouvements de population qui ont accompagné la révolution industrielle au XIXe siècle. En réalité, notre révolution du travail a déjà eu lieu et suit son cours … 

Selon vous, il n’y a donc aucun enseignement à tirer des bouleversements que nous vivons depuis ces quelques mois ?  Et en matière de formation à distance ?

On va constater une acception croissante du télétravail et de la formation à distance, son corollaire. Quant à parler de généralisation, nous n’y sommes pas. Ne serait-ce que par la diversité des activités qui s’y prêtent plus ou moins, souvent pas du tout. Les modalités à distance constituent cependant une réponse positive à d’autres crises durables, liées à des problématiques environnementales d’urbanisme. Bien sûr, elles interrogent aussi le lien social … mais on ne devrait pas en conclure trop hâtivement que le travail à distance nuit à la qualité des relations humaines. En tout état de cause, l’entreprise virtuelle, qui imitait l’entreprise physique, tend désormais à la doubler, voire la dépasse déjà, dans certains secteurs. C’est ce qui a permis une continuité de service, parce que les technologies de l’information et de la communication ont tenu le choc. D’où cette montée en puissance de la directions des systèmes d’information, qui rivalise désormais avec la direction financière pour décider de la stratégie. Et avec l’essor de l’intelligence artificielle, ce n’est qu’un début !

Quels axes de réflexion, alors ?

D’abord, le concept de « qualité de vie au travail » doit être étendu au télétravail, quand il se pratique à la maison … Drôle de renversement des valeurs, n’est-ce-pas ? Mais qui, parmi nous, en « mode survie », est capable de donner le meilleur de soi, de s’ouvrir à l’apprentissage et à la nouveauté ? Quant à la formation aux soft skills, le socle de compétences reste le même, il faut cependant l’adapter, notamment en ce qui concerne le remote leadership : comment engager et donner du sens dans l’entreprise virtuelle ?

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